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URBANITÉ ET RURALITÉ

Il est évident de dire que les concepts d’urbanité et de ruralité sont inhérents au projet de Madla-Revheim. Cette volonté des concepteurs de concilier ville et campagne s’exprime de par la position du projet par rapport à la ville, mais aussi de par le partage entre les espaces verts et les espaces construits au sein même du projet. Ainsi, les rapports entre ces deux entités existent à deux échelles, celle de la ville et celle du projet, lesquelles seront analysées subséquemment. 

 

L’analyse se fera en deux temps ; d’une part elle se concentrera sur le choix de l’implantation du nouveau développement en rapport avec la ville de Stavanger, afin d’en établir les impacts positifs et négatifs, et d’autre part elle portera sur l’adéquation entre les objectifs de design poursuivis et les choix d’aménagement à même le projet. Les notions d’étalement urbain seront mises à profit dans la première section d’analyse, alors que le modèle de cité-jardin sera utilisé à titre de comparatif dans la seconde section d’analyse. 

PARTIE A

Comme nous l’avons démontré à l’aide de la morphogenèse, le projet de Madla-Revheim est implanté à l’extérieur des limites urbaines de la ville de Stavanger, sur un territoire très peu urbanisé (Figure 1). La majorité du sol sur lequel le projet s’implante est occupé par des terres agricoles productives indispensables à la région de Stavanger. Selon les concepteurs du projet, l’implantation choisit est idéal, afin de mettre en place leur vision de symbiose entre l’urbain et le rural. « Madla-Revheim is positioned at the point where the urban and the rural meet, the area seems perfectly suited to set a new example for how sustainable growth can be facilitated in the Stavanger region. » (Rossenfield, 2013, paragr. 3)

Figure 1 : Implantation de Madla-Revheim en périphérie de Stavanger 

Cette première décision est tout à fait questionnable, principalement considérant la faible densité de la région métropolitaine de Stavanger. En effet, comme mentionné dans la section Historique, la loi sur le patrimoine bâti du Vieux-Stavanger eut un impact majeur sur l’expansion de la ville, à un moment où la tendance démographique n’a jamais été autant en hausse. À défaut d’agir à titre d’exception, cette partie de la ville devint un modèle et un objectif de planification urbaine.

 

« Stavanger’s core is to a large degree 18th- and 19th-century wooden houses that are protected and considered part of the city's cultural heritage. This has caused the town centre and inner city to retain a small-town character with an unusually high ratio of detached houses, and has contributed significantly to spreading the city's population growth to outlying parts of Greater Stavanger. » (Stavanger & Ryfylke Regions, 2016)

 

Le centre historique de Stavanger est majoritairement constitué de maisons unifamiliales détachées réparties dans un réseau viaire régulier et homogène. Les maisons ne possèdent pas plus de deux étages et ont une aire de pertinence raisonnable, principalement en arrière-cour, puisque le bâti est construit en front de parcelle.

La première couronne suburbaine présente donc, encore aujourd’hui, les mêmes caractéristiques morphologiques que le Vieux-Stavanger, tant au niveau du viaire, du parcellaire que du bâti et ce sans que les prescriptions du patrimoine s’appliquent.

 

Une légère densification est tout de même observable, se traduisant par le rehaussement des bâtiments d’un ou deux étages.

Par contre, les arrondissements les plus périurbains présentent des caractéristiques plus proches des banlieues traditionnelles de l’ère moderne, avec des trames de rues moins régulières, des parcelles plus généreuses et un bâti de type bungalow. 

Outre la conservation des logiques constructives du quartier ancien et de son caractère pittoresque, la loi sur le patrimoine bâti de 1957 demeure néanmoins un frein à la densification considérable de la ville centre. Dans le cas présent, faire la ville sur la ville est un scénario complètement écarté, et par conséquent, lorsque la ville croît en raison d’une augmentation démographique significative, la construction de nouveaux quartiers doit se faire sur des terrains vierges. Ainsi, l’urbain est contraint à envahir le rural. Cette logique vient à l’encontre des principes de développement durable mis de l’avant dans le projet et remet en question la validité de l’emplacement choisi pour construire le développement de Madla-Revheim. En plus de détruire des milieux agricoles productifs, l’implantation du nouveau quartier à l’extérieur de la ville de Stavanger impose un décuplement des équipements urbains tels que l’aqueduc et les égouts. Finalement, malgré le fait que les futurs résidants de Madla-Revheim auront accès à des services de proximité, le projet n’a pas été pensé comme étant un pôle d’emplois. Les résidants n’auront d’autres choix que de se déplacer vers la ville centre pour travailler, répétant les conséquences connues de la banlieue-dortoir. 

PARTIE B

À la manière de la cité-jardin de Howard, le plan d’aménagement de Madla-Revheim tente de tirer profit des avantages de la ville et de la campagne afin de créer une communauté viable. La proposition de MVRDV et Space Group reconnaît la nécessité d’une limite pour exister, sans quoi les caractéristiques de l’urbain et du rural seraient indiscernables. Cette limite, se matérialisant par une voie automobile, divise les deux principales zones programmatiques du projet. (Figure 2) Ici, les concepts d’urbanité et de ruralité transcendent leur définition première, ils servent plutôt de balises afin de regrouper les différentes fonctions incluses dans le projet. Ainsi, par extension, la zone dite urbaine fait référence aux lieux d’habitation, de travail, d’achats et de loisirs, alors que la zone rurale comprend les lieux de production agricole, de production d’énergie renouvelable, de récupération de l’eau, de conservation de la faune et d’activité physique. Les déplacements motorisés, tels que l’automobile et le transport en commun, sont centralisés dans la zone urbaine, tandis que les déplacements actifs sont mis de l’avant dans la zone rurale. 

Figure 2 : Répartition du programme en deux zones distinctes

« The development avoids the equal distribution of program and realizes ‘green’ and ‘urban’ that strengthen each other in a symbiotic manner. It answers to the site conditions that define an ideal zone for housing on the perimeter and the development of an open green area in the central area. This allows for the development of a unique character that combines the inserted urban qualities with the existing rural qualities. » (Rossenfield, 2013, paragr. 5)

 

Au sein même du projet, urbanité et ruralité se côtoient, sans toutefois se mélanger. En effet, la répartition du programme selon deux zones distinctes traduit parfaitement les intentions des concepteurs dans leur volonté de créer une communauté qui renfermerait à la fois des qualités urbaines et rurales. Par contre, cette séparation fonctionnelle est-elle viable dans le contexte d’instabilité économique actuel de Stavanger ? 

 

À l’inverse du modèle d’origine de la cité-jardin, MVRDV et Space Group proposent de ceinturer la zone rurale par une couronne urbaine, majoritairement composée de bâti résidentiel et de quelques commerces. Comme les caractéristiques propres de la ville et de la campagne sont tout de même juxtaposées, il est intéressant d’analyser l’impact de leur inversion par rapport au modèle initial (Figure 3).

Figure 3 : Comparaison entre le modèle traditionnel et celui proposé

Dans le modèle des cités-jardins, la ceinture verte sert principalement à protéger la ville circonscrite et à limiter son expansion. Dans le cas à l’étude, la ceinture extérieure est toujours protectrice des fonctions centrales, mais n’agit pas à titre de limite à l’expansion urbaine. Elle tente plutôt de faire le lien avec la ville centre par la continuité du bâti. Toutefois, en analysant les typologies et la densité urbaine de la ville de Stavanger et de Madla-Revheim, il est logique de se questionner sur l’acceptabilité sociale qu’aura le nouveau développement. Dans la ville d’aujourd’hui, le type résidentiel qui domine est la maison unifamiliale détachée, ce qui n’est pas le cas dans le nouveau plan d’ensemble où l’on retrouve une densité bâtie bien plus forte et des types bâtis autres. Le projet semble donc physiquement et socialement isolé du contexte environnant. 

Certes, la décision d’offrir aux résidants de Madla-Revheim un coeur de quartier vert, actif et productif est très noble et louable. Encourager les déplacements actifs, l’agriculture locale et la conservation de la faune et de la flore sont des actions qui ne peuvent qu’être bénéfiques pour les générations futures et sont en adéquation avec la volonté première du projet de devenir un modèle de développement durable. Par contre, est-ce que l’effort axé sur la mise en oeuvre du Madla’s Green pardonne l’implantation suburbaine ? Nous sommes d’avis que dans sa forme actuelle, le plan d’ensemble de MVRDV et Space Group ne propose que des solutions temporaires et inadéquates à des problèmes permanents. 

 

Tout d’abord, en comparant la répartition de l’urbain et du rural sur le site actuel et au sein du projet proposé, nous constatons une importante diminution dans la quantité d’espaces verts (Figure 4). Ceux-ci, représentant au départ 82 % des 315 hectares destinés au projet, chutent à près de 50 % de la superficie totale. Malgré un verdissement important autour des équipements d’origine, incluant la démolition de plusieurs bâtiments et la substitution de stationnements en surface gazonnée, l’ajout des 4000 nouvelles unités de logements demeure l’intervention qui freine l’atteinte des buts poursuivis par la ville en termes de développement durable et de protection de l’environnement. 

Figure 4 : Réduction de la zone rurale par l'implantation de Madla-Revheim

Même si a priori l’équilibre entre urbanité et ruralité est atteint, avec une parité dans la superficie de terrain alloué aux deux principales zones programmatiques (52 % rural et 48 % urbain) il n’en demeure pas moins que le développement de Madla-Revheim nécessite la destruction d’environ 94,5 hectares de terres cultivables. Cette donnée nous amène donc à reconsidérer le mode d’implantation privilégié au sein projet.

 

Inévitablement, pour qu’un projet de développement soit viable, une portion de sa superficie doit être destinée à l’élaboration de milieux de vie dans lesquels les résidants pourront habiter et s’épanouir. De plus, il est connu qu’un minimum de 4000 unités de logements sont nécessaire afin de supporter des commerces de proximité essentiels ainsi que quelques équipements publics tels une école primaire et une garderie. En ce sens, le projet de Madla-Revheim propose une solution intéressante. Par contre, nous retrouvons au pourtour des limites définies par le projet un bon nombre d’habitations sur une zone mixte, sans prédominance urbaine ou rurale. La question se pose alors à savoir pourquoi ne pas avoir mis à profit le bâti résidentiel déjà présent à proximité du site afin de constituer la ceinture urbaine ?

 

Comme mentionné précédemment, le projet semble être physiquement isolé de son contexte puisqu’une coupure s’effectue par la voie automobile existante ceinturant le développement. Selon nous, il aurait été bénéfique de construire de part et d’autre de cette voie, afin de lier proprement Madla-Revheim à la ville de Stavanger (Figure 5). De plus, en comblant les vides entre les hameaux d’habitations existants et en densifiant le sol destiné au bâti résidentiel, il aurait été possible de maximiser les équipements publics déjà en place. La construction des 4000 nouvelles unités de logements aurait pu être atteinte, tout en étant plus respectueuse des milieux naturels présents sur le site.

Figure 5 : Alternative proposée

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